« Aux antipodes de la décoration »

Actualités - 22 janv. 2016

« Aux antipodes de la décoration » 

C’est ainsi que leader français du home staging définit cette activité d’intervention dans l’habitat qui connaît un engouement depuis trente ans aux Etats-Unis et depuis 2008 chez nous. Avec quelles conséquences pour les architectes d’intérieur et les agenceurs de l’habitat ?   

 

L’utilisation en terre francophone des mots anglais parés du suffixe en « ing » est une façon d’entretenir un flou sémantique censé nourrir la dernière tendance en vogue, et lui donner une valeur de must. Reste qu’ils alimentent aussi une confusion des esprits. En témoigne le contre-sens souvent commis avec le mot home staging que l’on croit héritier du fameux cocooning des années 1990 (et frère de l’actuel homemade recycling).

 

Il n’en est rien, même s’il s’agit bien d’intervenir dans l’habitat... Mais pour mieux le quitter et non pour y vivre mieux. Pourtant ce mouvement, devenu un véritable métier, est né en 1972 de l’esprit d’une décoratrice d’intérieur : alors que les Etats-Unis subissent une grosse crise immobilière, Barbara Schwarz propose de décorer et mettre en scène l’intérieur des maisons que peine à vendre son mari, agent immobilier. Le succès est immédiat, amenant Miss Schwarz à ne plus broyer du noir pour son époux, mais à créer sa propre agence immobilière basée sur ce nouveau concept multipliant les séduisantes touches de couleur dans la maison.

 

Aux Etats-Unis, le home staging est aujourd’hui utilisé dans quasiment 100 % des transactions immobilières et 70 % en Grande Bretagne. C’est seulement en 2008, au début de la crise immobilière, que les premières agences de home staging ont ouvert dans l’Hexagone, le mouvement prenant de l’ampleur grâce à l’émission TV Maison à vendre, diffusée avec succès sur M6 et entièrement consacrée au sujet. Depuis le soutien conjugal de Barbara Schwarz, la technique s’est perfectionnée, mais le but du home staging (littéralement, « mise en scène de la maison ») est resté le même : relooker un bien immobilier destiné à la vente afin d’en tirer rapidement le meilleur prix. C’est pourquoi le home staging est aussi traduit par valorisation immobilière. Selon le site leparticulier.fr, l’École supérieure de l’immobilier (ESI), filiale à 100 % de la Fnaim, propose aux négociateurs et agents immobiliers deux formations d’une journée chacune pour les sensibiliser à ce processus permettant de présenter sa maison ou son appartement d’une façon optimale aux futurs acheteurs qui, peut-on lire ou entendre ici et là, se décident dans les 90 premières secondes de la visite.

 

Forme de marketing immobilier, le home staging n’a pas pour but de cacher les imperfections, mais se concentrer sur la mise en valeur des atouts et du potentiel du bien. Principe directeur : le rendre visuellement accessible, afin que tout visiteur puisse s’y sentir à l’aise et s’y projeter. Pour cela, il va falloir enlever tout ce qui peut parasiter le regard, privilégier l’espace, vérifier l’équilibre des volumes, repenser la disposition des meubles, harmoniser les couleurs et les matériaux, jouer sur la lumière et installer une décoration adaptée à la vente. Toujours selon le site leparticulier.fr,  la logistique varie si l’appartement ou la maison est encore meublé ou non : « dans le premier cas, le home stager devra convaincre le vendeur de se séparer de certains meubles et objets (ou de les stocker dans la cave, voire dans un garde-meuble, mais non dans le garage, qui doit rester un espace dédié à sa fonction initiale). Alors que dans le second, il puisera le plus souvent dans son propre stock de mobilier et éléments décoratifs pour donner vie à l’espace. Les home stagers rompus à l’exercice ont recours à des ­astuces, telles que des lits gonflables ou des étagères factices. Avéo, premier réseau commercial de cette filière en France, propose même une série complète de meubles en carton qui font assez bien illusion » (visuel ci-dessous). Comme il est précisé sur le site aveo-home-staging.fr, « il convient pour faciliter la projection de l’acheteur, de neutraliser votre intérieur. On parle même de reconditionner votre bien pour la vente. Les home stagers Aveo sont donc aux antipodes de la décoration. Car décorer, c'est personnaliser ! De même, le home staging n'est pas de la rénovation : un home stager ne touche jamais aux structures du bâtiment ! ».

 

Ce nouveau métier n’entend donc pas se substituer aux architectes d’intérieur et aux agenceurs de l’habitat. On se doit même de constater qu’il suit une démarche inverse en dépersonnalisant les espaces personnalisés (elle–même inverse de la personnalisation des meubles standardisés abordée dans notre article de cette semaine « Du mobilier Ikea personnalisé après achat ») et poser la question de la pertinence à ôter le cachet propre à chaque intérieur, soit ses atouts pour tenter de le rendre plus séduisant. Reste que si cette tendance venait à se développer, les architectes d’intérieur et aux agenceurs de l’habitat devront peut-être repenser leurs intervention pour mieux s’y inscrire en amont. Voire de modifier cette même tendance en devenant ses pilotes…

 

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