Les fondations américaines de deux designs européens

Actualités - 24 sept. 2024

Si le design n’est pas de l’art, sa vocation première étant d’améliorer l’usage et la fonction, il peut toutefois s’en approcher par ses grâces et évocations formelles. Pas étonnant dès lors que les magazines d’art s’y intéressent, l’un d’entre eux y ayant consacré récemment un dossier comparatif sur un thème international, où l’on apprend notamment que le plan Marshall a favorisé l’éclosion de design dans deux grands pays de la discipline.    

Ainsi, dans son numéro de septembre, le magazine Beaux Arts a consacré un dossier de 12 pages à l’histoire spécifique du design dans 11 pays européens. En voici des extraits sur les origines de cette discipline en Allemagne, en France et en Italie. Précisons, si besoin était, qu’il s’agit à la fois des trois premières économies et des trois  principaux marchés pour l’équipement domestique du Vieux continent, mais que ce ne sont pas les seuls pays où le design a brillé et, plus encore, rayonné au-delà des frontières. De fait, réunissant la Suède, le Danemark, la Norvège et la Finlande, la Scandinavie occupe tout autant un rang élevé dans l’histoire européenne et même mondiale du design.  

L'Allemagne ou l’industrie d’abord

« Si de puissantes firmes industrielles comme AEG, Siemens (...) furent les premières à engager des concepteurs pour leurs produits et leur publicité dès le début du XXe siècle, les origines du design allemand sont officiellement corrélées au Bauhaus, fondé en 1919 à Weimar par l’architecte Walter Gropius. Après la Seconde Guerre mondiale, soutenu par le plan Marshall, le Bundestag ouvrit à Darmstadt l’Institut de la Conception (...) créé pour concevoir les meilleurs produits industriels et artisanaux allemands possibles afin de satisfaire au mieux le consommateur. Cette même année 1953, Max Bill fondait l’École supérieure de conception d’Ulm, structure indépendante renouant avec l’héritage du Bauhaus et enseignant la bonne forme, de la cuillère au design urbain. Braun sera la première firme industrielle à solliciter l’école et fera de Hans Gugelot et Dieter Rams les premiers grands designers industriels de l’après-guerre en Allemagne de l’Ouest, où les valeurs culturelles du design - pour le mobilier et les écoles, rues usines et transports, correspondait alors au projet de la social-démocratie.

L’Italie, le leader européen

C’est à Milan que le design italien creusa ses fondations, débutées avant-guerre sous la houlette de quelques têtes pensantes comme Gio Ponti. Plan Marshall aidant, le boom économique profitera au design autant que le design forgera l’image d’un “made in Italy” toujours valide aujourd’hui dans le monde entier. Au gré du temps, le vrai succès sera le fruit d’une créativité et d’une innovation nourries, comme l’art, à l’aune des avant-gardes, des dissidences et des crises sociopolitiques. En coulisse, les leviers industriels et financiers actionnés par les familles fondatrices des firmes d’édition et de production formeront un réseau unique au monde. Aujourd’hui, ce paysage est sans cesse bouleversé par des alliances, rachats, fusions et formations de groupes pilotés par des fonds d’investissement. Paradoxe : plus elles acquiert une dimension mondiale avec expansion faramineuse en Asie et aux États-Unis, plus ces firmes affichent leur origine de modestes menuiseries ou ébénisteries nées dans la région lombarde de la Brianza.

En France, vive le beau et le décor

Nation d’abord rétive au design, pays d’ensembliers et de décorateurs voués à l’excellence et au bon goût, la France s’est fait prier pour reconnaître aux designers pionniers de l’après-guerre, de la reconstruction et des Trente Glorieuses, le rôle fondateur. Pierre Paulin à l’Élysée ; Marc Held pour Prisunic ; Olivier Mourgues dans 2001 : l’odyssée de l’espace (chef d’œuvre S.F de Stanley Kubrick sorti en salle en 1968, ndlr) ; Roger Tallon pour Lip et le TGV. Il faudra la percée phénoménale du vintage pour (re)considérer ces génies. Entre-temps, on aura starifié Philippe Starck, sanctifié Andrée Putman et logotypé matali crasset. À la charrière des années 1990-2000, la french touch aura lancé un bataillon de designers ambitieux dont, pour n’en citer que quelques-uns, Patrick Jouin, Ronan Bouroullec, Pierre Charpin, Martin Szekely et India  Mahdavi. »

Source : Beaux Arts Magazine de septembre 2024, pages 106 à 117.

Visuels d’illustration du magazine :

En haut à droite : Plan de travail / Bulthaup (2024)

En haut : Hamac de la collection Patio / Zanellato / Bortotto pour Ethimo (2024)

Ci-dessus : Chauffeuse Chambord / Bruno Moinard Éditions (2024)  

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