Du mobilier Ikea personnalisé après achat

Du mobilier Ikea personnalisé après achat

Qui aurait cru que les collections les plus emblématiques du mobilier mondialisé et standardisé soient l’objet de relooking par leurs acheteurs, façon sur mesure chromatique ? Et pourtant…  Ce paradoxe marquant a fait l’objet d’un article dans Le Monde. 

 

Quand on évoque les articles du Monde, on pense analyses sérieuses, voire austères, des mesures gouvernementales ou de la géopolitique dans telle région sensible de la planète. Certes, le quotidien aborde, avec tout autant de légitimité, les sujets d’économie, de sociologie et de tendances consuméristes. De là réserver ses colonnes au recyclage maison de meubles, on peut toutefois s’étonner, s’attendant plus à voir ce thème développé par des magazines de décoration. C’est d’ailleurs le cas, la tendance du homemade recycling (les tendances sonnent toujours tendance lorsqu’elles sont définies en anglais « with happy face ») s’étant développée au cours des dernières années pour diverses raisons socioéconomiques (dont la crise de 2008 et le retour à une économie consumériste du fait maison ne sont pas les moindres). Ainsi en est-il de l’article Relooker ses-meubles de cuisine sans se ruiner publié en 2012 par le site cotemaison.fr.

 

Les choses sont différentes avec l’article rédigé par notre consœur Véronique Lorelle sur le site du Monde, et intitulé Comment sublimer son mobilier Ikea. On notera l’absence du point d’interrogation laissant comprendre qu’il s’agit là, non d’une question, mais de conseil, les gens ayant l’esprit d’escalier (même non menuisiers) y voyant même une recommandation à destination des lecteurs consommateurs, reposant sur le postulat que les collections de l’enseigne suédoise ont besoin d’être améliorées. On ne se perdra pas en conjecture pour savoir si la plupart des lecteurs du Monde sont clients réguliers de l’enseigne, ou s’ils préfèrent s’adresser à des agenceurs et des architectes d’intérieur. Concentrons-nous sur le plus remarquable en l’affaire : le paradoxe.

 

En effet, l’entreprise a bâti son succès et gagné son rang incontesté de leader mondial de l’ameublement (conforté par des ventes en hausse de 11 % en 2014-2015) sur du mobilier standardisé dans ses 328 magasins implantés dans 28 pays. Or, la firme scandinave « nourrit dans son sillage, à la manière d’un requin et ses poissons-pilotes, une armada de petites sociétés de service » affichant pour vocation de donner de nouvelles couleurs, voire des usages inédits, aux meubles estampillés made in Sweden. Ainsi, le site français bocklip.com proposera à partir du 1er février « de rénover et de sublimer ses bases Ikea avec des matières nobles et des finitions de luxe. Son catalogue présente des collections de façades et d’accessoires qui s’adaptent sans peine aux cuisines Metod, aux placards Pax, aux meubles de salon Besta et de salle de bains Godmorgon, avec du bois ou des surfaces métallisées, et une douzaine de coloris ». Une réappropriation esthétique qui ressemble à du sur mesure chromatique, à défaut d’entrer dans le domaine des dimensions adaptées aux contraintes spatiales de chaque pièce. La prochaine étape sera-t-elle le découpage des meubles Ikea ?         

 

bocklip.com est un site français et il est bien connu que nous ne faisons rien comme tout le monde (ayant notamment du mal avec le parcours obligé de visite dans les gigantesques magasins jeune et bleu). En l’occurrence, bocklip.com (visuel ci-dessous) imite des compatriotes des dirigeants d’Ikea, à savoir  Superfront.com dont le site anglophone formule les « mêmes sortes de propositions pour les mêmes agencements Ikea  et qui intègre, en plus, la cuisine Faktum ». La vocation annoncée tient cette fois de la décoration d’intérieur, permettant de « glamouriser son mobilier avec du marbre, du cuivre, et même du cuir, des portes aux poignées en passant par les pieds ».

 

Dans les années 1990 et début 2000, certains architectes d’intérieur préféraient, parait-il, équiper parfois la cuisine de leur client d’un modèle Ikea, afin de reporter le budget vers des pièces plus rentables. Le cas échéant, étaient-ils sans le savoir précurseurs d’un mouvement qui pourrait se développer cette fois aux dépens de la même enseigne et brouiller encore davantage les cartes de l’aménagement de l’habitat ?

  

 

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