Une icône de la liberté en grand format

Actualités - 02 nov. 2021

Qu’est-ce qu’une marque iconique ? Qu’est-ce qui fonde son identité, quelles sont ses spécificités et comment entretient-elle ce statut si particulier, aussi rare qu’il est envié, mais aussi dévoyé ou galvaudé. Pour inaugurer notre nouvelle série d’entretiens, nous avons rencontré Xavier Crépet, directeur marketing de Harley-Davidson France. Il nous explique ici comment l’entreprise de motos américaines, que l’on reconnait avant même de les voir, a nourri sa légende sur un esprit d’aventure et de liberté, au travers du grand écran, des grands espaces et de la grande Histoire.

Archi-Cultures :  Quelles sont, de manière générale, les caractéristiques d’une marque iconique, en termes d’histoire de l’entreprise qui la développe, de notoriété quantitative et qualitative, de design spécifique de ses produits et immédiatement identifiable par tous, de constitution d’une clientèle d’adeptes fervents de la marque, voire exclusifs à ses produits ?

Xavier Crépet : « Une marque devient réellement iconique lorsqu’elle est connue et reconnue par l’ensemble de la société au-delà de la fonction première des produits qu’elle propose et qu’elle commence à être utilisée comme symbole. Ce phénomène s’est notamment produit  pour Harley-Davidson au travers du film culte de 1969 Easy Rider (réalisé par Dennis Hopper, avec lui-même et Peter Fonda). Les deux héros sont deux jeunes hommes épris de liberté et qui partent à l’aventure sur deux choppers de notre marque entièrement customisés. Tout autant que ce road movie et le tempérament des personnages devenus des emblèmes de la génération hippie des années 1960-1970, la marque Harley-Davidson est devenue l’emblème de cette époque et l’une des marques iconiques de la liberté. En réalité, elle l’était déjà auparavant pour avoir été associée dans la mémoire collective avec la libération de l’Europe occidentale, au même titre que la Jeep, le jeans Levis et le chewing-gum apportés par le débarquement des forces armées américaines. Harley-Davidson fait ainsi partie de la grande Histoire dans laquelle s’intègre sa propre histoire d’entreprise débutée en 1903.  

Archi-Cultures : Une marque iconique correspond-t-elle à un certain état d’esprit ?

Xavier Crépet : Harley-Davidson répond effectivement en ce sens à un certain état d’esprit, en étant conviviale, communautaire et humaine. Les propriétaires de Harley-Davidson apprécient bien sûr leur moto pour ses caractéristiques spécifiques, mais aussi et surtout pour rejoindre la légende et vivre leur passion. Ils aiment s’échapper sur leur Harley pour découvrir de nouveaux horizons, prévus ou non, réaliser des rencontres avec d’autres propriétaires partageant le même état d’esprit et avec lesquels ils échangeront diverses anecdotes de voyages insolites.  

Archi-Cultures : Liberté, mobilité, communauté pourrait ainsi être la devise de Harley-Davidson. Les critères suivants sont-ils indispensables pour qu’une marque soit iconique : une forte présence à l’international ; un territoire de communication très marqué et appliqué de la même manière sur tous les marchés nationaux ; un positionnement assumé sur un marché de niche ; un positionnement tarifaire en haut de gamme, voire élitiste ? 

Xavier Crépet : Comme je l’ai déjà précisé, une marque devient réellement iconique lorsqu’elle est reconnue, ainsi que les valeurs qu’elle représente, par le plus grand nombre de personnes, ceci dans divers pays et sur divers continents. C’est pourquoi elle doit couvrir un territoire de communication qui lui est propre et qui reste le même sur tous les marchés où elle est implantée. L’univers singulier dans lequel elle inscrit ses produits et son image doit rester également le même tout au long de son histoire. Harley-Davidson est ainsi depuis toujours   appréciée aux États-Unis, en Europe et en Asie pour les mêmes motifs de liberté que ses motos véhiculent, alors que ces différentes régions du monde n’ont pas la même culture, ni les mêmes pouvoirs d’achat. 

Quant à la question du positionnement assumé de niche, s’il est vrai que l’on trouve davantage de marques iconiques dans les segments haut de gamme, avec des produits rares et chers, je ne pense pas en revanche que ce soit un critère indispensable. Des exemples célèbres de produits à la fois populaire et iconique le démontrent, qu’il s’agisse de la 2 CV de Citroën, de la 4L de Renault ou de la Fiat 500 dans le domaine de l’automobile. Tous ces modèles ont pour point commun d’avoir fortement marqué une époque et les mémoires par leur usage, leur design et leur succès populaire. C’est aussi le cas de Harley-Davidson comme je l’ai rappelé, et même si notre marque ne s’inscrit pas dans le même segment populaire que les trois voitures citées, je dois corriger une idée reçue selon laquelle nos motos seraient chères et réservées à une clientèle aisée. De fait, notre gamme d’une trentaine de modèles, dont les premiers prix commençaient il y a encore peu à 7 500€ TTC, permet à de nombreuses typologies de consommateurs de s’offrir ce rêve de liberté et de découvertes.

Archi-Cultures :  Selon vous, si une marque iconique est imitée dans ses produits et son image, est-ce la consécration de son importance sociétale ou, au contraire, le signe de son incapacité à maintenir son niveau de singularité, la renvoyant alors dans le champ du marché de masse ?

Xavier Crépet : Je pencherais plutôt vers votre première proposition. Un produit iconique a une vertu et des effets inspirants qui conduisent des acteurs du même marché à vouloir l’imiter, parfois il est vrai jusqu’à le copier sans scrupule et à se mettre dans l’illégalité. Certains le font pour des raisons purement mercantiles et d’autres le font comme une sorte d’hommage aux remarquables qualités esthétiques ou fonctionnelles de ce produit. Le fait d’être imité, voire copié mais jamais égalé sert en réalité la renommée des marques iconiques.  

Archi-Cultures : Enfin, comment Harley-Davidson entretient-elle son statut de marque iconique et quels sont, parmi les critères que nous avons abordés, ceux qu’elle nourrit le plus pour entretenir ce statut distinctif sur le marché de la moto ?

Xavier Crépet : C’est avant tout en conservant notre ADN année après année, à chaque création de nouvelles gammes de motos, même si celles-ci doivent logiquement s’adapter aux temps nouveaux et à l’évolution des normes. Toutes nos motos doivent susciter une émotion et cet objectif est visé par tous les services, du bureau de style jusqu’au marketing, œuvrant dans l’usine de notre maison mère à Milwaukee dans le Wisconsin aux États-Unis. C’est même le premier critère que s’imposent nos designers. Aussi nous ne mettons pas la technologie en avant, mais nous l’intégrons à l’esthétique de nos modèles qui doivent être de beaux objets procurant des sensations uniques et du plaisir. Cette philosophie est appliquée jusqu’au fameux moteur bicylindre V-Twin qui est, à la fois, l’élément central et une pièce maîtresse d’une Harley-Davidson en lui donnant son cachet si particulier. En effet, outre d’être toujours visible, il donne aussi la signature sonore de notre marque, en produisant un son immédiatement reconnaissable du plus grand nombre de gens qu’ils soient ou non connaisseurs en motos. Ainsi, si notre communication traduit fidèlement dans le monde entier l’univers spécifique de Harley-Davidson, elle ne saurait suffire à entretenir son statut de marque iconique, car celui-ci repose et reposera toujours sur nos produits.  

Archi-Cultures : Quelles sont en France les régions où Harley-Davidson réalise les meilleures ventes ?

Xavier Crépet : Deux se distinguent particulièrement. La première est la Région parisienne pour des raisons à la fois démographique et de pouvoir d’achat. Je dois souligner le fait que nos clients franciliens ont avant tout un usage de loisir de leur Harley-Davidson, lors de sortie le week-end notamment. La deuxième région est la Côte d’Azur où le climat, chaud l’été et doux l’hiver, incite à parcourir les routes dans l’esprit et la recherche de liberté qui caractérisent notre marque. »

Propos recueillis par Jérôme Alberola

Visuels :

En haut à droite : Electra Revival de la dernière collection Icons

En haut :  Livre American Freedom Machine de Pascal Szymezak préfacé par Francis Zégut, illustré de 440 photos rares à inédites pour les passionnés de la marque mythique et les curieux de l’histoire américaine du XXe siècle. (GM Editions, 2020) photo de couverture extraite du film de Dennis Hopper Easy Rider (1969)  

Ci-dessous en galerie : moto iconique Softail Breakout

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