Des prophètes de l’artisanat design

Actualités - 27 juin 2023

Né en France en 1888, le mouvement Nabis prônait de revaloriser l’artisanat en s’intéressant au design, à la scénographie, aux arts décoratifs et au mobilier, afin d’apporter une réaction créative d’art total face au développement de la production en série industrielle. Pendant de l’Arts and Crafts anglais, son influence a été grande, notamment sur l’Art nouveau. 

Dans un article de février 2022 (à retrouver ici), nous expliquions comment l’art et l’artisanat se sont unis grâce au mouvement Arts and Crafts né en Angleterre en réaction à la Révolution industrielle et qui, de vocation sociale, a eu une influence majeure dans l’habitat et le design au travers de l’Art nouveau français, du Bauhaus allemand, de la Prairie School fondée par le fameux architecte Frank Lloyd Wright, et des arts décoratifs intégrant l’ameublement et l’architecture d’intérieur. L'Arts and Crafts a ainsi été le précurseur dans le rapprochement des beaux-arts et des arts appliqués. Né en Angleterre dans les années 1860 avant de se développer durant les années 1880 à 1910, ce mouvement artistique réformateur dans les domaines de l'architecture, des arts décoratifs, de la peinture et de la sculpture, a ainsi été précurseur dans l’union de l’art et de l’artisanat, influençant divers courants de pensée bien au-delà des falaises de Douvres et des autres côtes anglaises.

L’un de ces courants a été le mouvement des Nabis. Signifiant « prophètes » en hébreu, ce terme traduit la quête spirituelle et de renouveau esthétique qui animent de jeunes peintres parisiens se regroupant autour de Paul Sérusier en 1888. On trouve ainsi Paul-Élie Ranson, Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Maurice Denis et, plus tard, Félix Vallotton qui a peint de nombreuses scènes d’intérieurs et de vie domestiques (à voir ici       

Le projet des Nabis est de faire tomber la frontière et la hiérarchie qui pouvaient exister entre les arts décoratifs, rapprochés de l’artisanat, et les Beaux-Arts, considérés comme plus élevés. En cela, ils s’inscrivent dans un courant qui traverse l’Europe à la fin du XIXe siècle et qui défend la conception d’un art total. Il s’agissait de faire travailler plusieurs disciplines artistiques différentes autour d’un projet commun.

En réaction à la production en série industrielle, il revalorise l’artisanat et s’intéresse au design, à la scénographie et aux arts décoratifs, pour lesquels ils revendiquent une dignité analogue à celle des arts dits majeurs. (in Petite encyclopédie de l’impressionnisme, Gabriele Crepaldi, 2017, Solar éditions).

De fait, s’ils sont attachés dans une certaine mesure au tableau de chevalet, ils innovent en investissant les intérieurs. Ainsi réalisent-ils des décors mais aussi des estampes et des objets d’art tels que des céramiques, des éventails, des paravents, des vitraux, des tapisseries, du papier peint, des abat-jours, du mobilier ou de la vaisselle. Sensibles à l’idée de diffusion des arts, ils entendent par cette approche novatrice imprimer leur marque dans la vie de leurs contemporains. De 1891 à 1900, ils participent à de nombreuses expositions, en particulier au salon des Indépendants et au salon de l'Art nouveau dont ils sont considérés comme les précurseurs.

D’ailleurs, lorsque Siegfried Bing fonde en 1895 à Paris la galerie "La Maison de l’Art nouveau", il  transforme la boutique en appartement, aux pièces ordonnées par l’architecte Henry Van de Velde (1863-1957), il charge également des artistes Nabis de la décoration : décors peints par Édouard Vuillard (antichambre), Paul-Élie Ranson (salle à manger, visuel ci-dessus), Maurice Denis (chambre dont il dessine également le mobilier) ou Albert Besnard (coupole de la rotonde) et objets conçus par le même Vuillard (service de  table). Si le résultat est assez froidement accueilli par la presse – peu favorable il est vrai aux inventions de l’Art nouveau –, il s’agit toutefois de la pratique pluridisciplinaire la plus complète qu’aient connue collectivement les Nabis et ceux-ci apparaissent en France comme des pionniers.

J.A

Visuels :

En haut à droite : Félix Vallotton, La visite (1899) Kunsthaus, Zürich © Wikipedia

Ci-dessus en haut : Siège et décor Nabis source Nobilis

Ci-dessus en bas : source Grand Palais

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