Et si les objets poussaient comme des champignons ?

Actualités - 30 juin 2017

Et si les objets poussaient comme des champignons ?

Tout est bon dans le champignon, en particulier sa racine si l’on en croit les applications qu’elle offre en termes de design, de mobilier et même d’architecture. Apprécié dans nos assiettes, redouté dans nos intérieurs, le mycélium entend révolutionner le design, grâce à ses qualités insoupçonnées…

 

C’est plus précisément le mycélium, racine souterraine et tentaculaire, à la fois légère et robuste, sur laquelle se développe le champignon, qui offre des possibilités inouïes. Depuis février 2017, le musée Microtopia, à Amsterdam, y consacre une exposition. Baptisée « A fungal future » - traduire « Un futur fongique » - celle-ci inclut un panel d’objets créés par le designer italien Maurizio Montalti à partir de ce micro-organisme. On y découvre comment le mycélium permet de créer des vases, des chaises ou encore des lampes

 

Un processus de fabrication 100% écologique

Le mycélium est une force de la nature sous-estimée de l’homme. Et pour cause : « Beaucoup de gens ont encore des idées négatives concernant le champignon et c’est justement toute la partie éducative du projet à laquelle nous voulons nous attaquer. Je pense qu’en tant que société nous avons vraiment rejeté le [champignon] à cause de toute cette manie autour de l’hygiène qui s’est développée au 20e siècle ; cela nous a apporté de gros avantages, mais nous a aussi amené à vivre des vies aseptisées et à considérer le champignon comme quelque chose de dangereux », assène Maurizio Montalti.
Or, dans la nature, le mycélium agit comme un nettoyeur. Il se nourrit des déchets organiques en décomposition. Grâce à un processus de transformation écologique, calqué sur celui effectué dans la nature, le mycélium permet de fabriquer toutes sortes d’objets, y compris du mobilier et ce, avec une empreinte carbone quasi-nulle et sans créer de déchets. Dans un moule fait de bois, de plâtre, de plastique ou d’argile, le mycélium se nourrit de déchets organiques. Son réseau de fils interconnectés s’étend à tout le moule et agit comme une colle extra-forte. Au terme de plusieurs jours d’incubation, on obtient un objet solide de la forme souhaitée qu’il suffit de cuire à une température de 70°C environ. La cuisson arrête la culture et tue les bactéries. Les objets créés sont uniques, en fonction des déchets organiques utilisés, de l’espèce du champignon et des conditions de son développement.


Des objets en champignon déjà en vente aux Etats-Unis

Le designer italien Maurizio Montalti n’est pas le seul à avoir porté son intérêt sur ce micro-organisme. Bien avant lui, des Américains se sont positionnés sur ce créneau. Dès les années 1980, l’artiste californien Philippe Ross s’est intéressé aux possibilités offertes par le mycélium dans le domaine du design et du mobilier. Une vingtaine d’années plus tard, il utilisait le mycélium pour développer toute une collection de meubles unique en son genre : des chaises, des tables basses ou encore des tabourets. Depuis, il a créé l’entreprise MycoWorks, afin de promouvoir ce matériau biodégradable. D’autres ont suivi telle l’entreprise Ecovative qui s’est donné pour mission de « débarrasser le monde des matériaux toxiques et non durables ». Elle commercialise déjà le mycélium aux Etats-Unis et entend créer une petite révolution en remplaçant notamment le polystyrène dans la fabrication des emballages ou des panneaux d’isolation thermique et phonique via sa gamme MycoFoam. En 2016, le géant Ikea a d’ailleurs annoncé vouloir utiliser le mycélium pour la fabrication de ses emballages. Ecovative collabore aussi avec des entreprises et des designers qui intègrent sa gamme MycoBoard – des panneaux de particules en mycélium destinés à remplacer le MDF dans la conception de meubles et de portes - à l’instar du fabricant américain de mobilier Gunlocke qui a utilisé le mycélium pour réaliser le dossier de sa chaise Savor. Enfin, sa gamme Ecovative Interiors permet de proposer une collection d’objets et de mobilier tant pour la maison que pour les entreprises. Mais Ecovative propose aussi aux particuliers de « faire pousser » leurs propres objets (lampes, vases) grâce au programme « Grow It Yourself » lancé en 2014. Les moules et la matière première sont commercialisés via leur site Internet.

 

Prochaine étape : des maisons en champignon ?

Et si, demain, il n’y avait plus besoin d’être un petit être bleu pour habiter dans une maison en champignon ? Car la recherche sur le sujet, désignée par le terme « mycotechnologie », va plus loin et encourage l’utilisation du mycélium comme un matériau de construction et d’isolation. Si les briques faites à partir de mycélium sont encore au stade de prototypes, les recherches en la matière avancent, se concentrant sur l’homologation de leurs propriétés mécaniques. A l’été 2014, les New-Yorkais ont pu, en tout cas, admirer les tours Hy-Fi au design futuriste, réalisées par deux jeunes ingénieurs vainqueurs du concours annuel The Young Architect Program. Erigées à partir de briques de mycélium, elles ont démontré la solidité, la flexibilité et l’étanchéité d’un matériau surprenant…


Aujourd’hui, 30 à 40 artistes et designers dans le monde travaillent sur l’exploitation du mycélium. Le design, la décoration d’intérieur mais aussi l’architecture sont des champs d’application sur lesquels ils se penchent, afin de réconcilier mode de vie moderne et développement durable. Mais d’autres domaines, comme la mode, pourraient être impactés, notamment grâce au cuir de champignon, déjà commercialisé par l’entreprise MycoWorks. Le champignon révolutionne donc le design et il n’y a rien d’hallucinogène là-dedans !

 

Vanessa Barbier

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