Nourrir l'une de l'autre…

Actualités - 31 mars 2017

Nourrir l’une de l’autre…

Quelles passerelles existe-t-il entre création d’espaces et design d’objets ? Réponse de Martin Schiller, qui associe liberté, démarche artistique et usage existentiel des lieux.        

 

Culture Agencement : Quelle est la part respective de vos interventions d'architecte d'intérieur et de designer (création de mobilier et de luminaires) dans votre activité globale ?

Martin Schiller : « En ce moment, le design de mobilier occupe 60% de mon temps. Je travaille en parallèle sur un projet de rénovation d’une maison au Portugal, en bord de mer, à 80 km au nord de Lisbonne. Cela occupe 10% de mon temps. Les 30% restants sont consacrés à la prospection de clients. Avant d’être à mon compte, je faisais plus d’aménagement d’espaces. Je me consacre désormais à créer plus de mobilier et de luminaires ; c’est un vieux rêve qui prend forme. Lentement mais sûrement. Démarrer une activité avec un petit réseau est difficile. C’est pourquoi je participe à de nombreux meetings de réseaux d’entrepreneurs. Cela prend un certain temps pour que les personnes se familiarisent, jusqu’à vous recommander ou décider de vous confier un projet de rénovation ou d’amélioration de leurs espaces. Mais c’est intéressant car cela pousse à sortir de sa zone de confort. Dans ce contexte, je note que le fait de proposer des objets dessinés soi-même et sur mesure est un vrai plus car on apparaît alors comme un spécialiste du métier. Appelez ça designer ou décorateur, peu importe la terminologie. Ce qui importe est de savoir se démarquer.

 

Culture Agencement : En quoi l’approche diffère-t-elle selon les projets avec des particuliers ou des professionnels ?

Martin Schiller : Premièrement, qu’il s’agisse d’un projet pour des particuliers ou des professionnels, la question du budget est déterminante. Par principe, je tire les projets vers le haut. C’est ensuite au particulier ou au professionnel de choisir s’il veut faire l’impasse sur une partie de la proposition ou sur une autre, en fonction du budget. A nous de proposer alors des alternatives pour réconcilier budget, attentes esthétiques et qualité. Cela passe notamment par le choix des matériaux. L’idée est en tout cas de faire rêver le client ou l’utilisateur final (dans le cas d’un projet professionnel). Pour réaliser un commerce ou le stand d’une marque, il faut savoir respecter des codes déjà établis. Pour le particulier, c’est différent. Il peut avoir ses propres codes, mais parfois il est perdu. Dans ce cas de figure, l’approche diffère : il est plus difficile de partir de rien, sans imposer son propre style. Finalement, travailler avec une contrainte est toujours plus facile.

 

Culture Agencement : Quelles sont les similitudes de processus entre la création de luminaires et de mobilier et l'architecture d'espaces ?

Martin Schiller : En fait, la création d’objets et l’architecture d’intérieur se nourrissent l’une l’autre. Quand je crée un intérieur, j’aime y ajouter des objets qui sont plus proches de l’intention et de l'ambiance, mais qui n’existent pas tels quels. Donc, un objet peut naître d’un projet d’agencement. C’est assez difficile de créer un objet ex nihilo. A l’inverse, un objet créé à partir d’un projet d’agencement peut aussi faire naître d’autres inspirations. Donc, quand je dessine un objet, je le place assez rapidement en 3D dans une scène d’intérieur avec un personnage pour voir comment il va « vivre », comment la lumière passe dessus. C’est le meilleur moyen de sentir sa réalité « physique », en quelque sorte. Quand je crée un objet, je me sens libre. Je suis plus dans une démarche personnelle, parfois artistique et plastique, très proche de la sculpture. C’est assez magique quand on arrive au bout du processus créatif, à la livraison du prototype. Par contre, on peut se retrouver face à des défis techniques et budgétaires plus difficiles pour un objet que pour un chantier. En effet, il faut qu’il y ait une réelle adéquation entre la qualité de l’objet, le marché et le public auquel on s’adresse. Il faut réfléchir au segment sur lequel positionner l’objet, le faire rentrer au maximum dans un prix public qui ne soit pas délirant… Si le devis final est trop élevé, il faut trouver les moyens de faire descendre ce prix en adaptant les matières, la technique utilisée, le nombre de pièces assemblées… Quand on est dans le travail de création pure, on ne pense pas forcément à ce genre de contraintes. Un autre aspect intéressant du travail sur l’objet est qu’avec le temps, on approfondit aussi sa connaissance des métiers d’art. On est en recherche permanente de partenaires dans ces univers. On en retire une expérience technique plus approfondie.

 

Culture Agencement : Quel regard portez-vous sur la démocratisation actuelle de l'agencement et de l'aménagement d'intérieur notamment induite par les émissions TV ?

Martin Schiller : Je trouve cela positif. Les émissions de TV montrent le champ des possibles et contribuent à démocratiser le design. Cela montre des usages différents de l’espace domestique, qui seront plus fonctionnels, voire multifonctionnels, plus ouverts avec, parfois, des touches plus fantaisistes et un éclairage mieux adapté. Faire appel à un architecte d’intérieur change le quotidien de l’utilisateur et je pense que le téléspectateur le comprend bien. »

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier

 

Son parcours :

Formé à Créapole, à Paris, Martin Schiller fait ses premiers pas chez Fabrice Ausset. Il se tourne rapidement vers l’agencement de stands pour des marques de luxe sur le marché international (YSL Beauté notamment). Il évolue une dizaine d’années dans ce milieu. De l’agence de 5 personnes en passant par les grands groupes de 500 personnes, il expérimente les différentes facettes de l’architecture d’intérieur et de l’agencement sur le segment haut de gamme et luxe. Fin 2014, après quelques années chez François Wapler, où il travaille sur le développement de restaurants à l’étranger, il crée sa propre société, Martin Schiller Design Studio, située à Saint-Cloud (92), dans l’idée de développer particulièrement le design de mobilier et de luminaires, un projet porté depuis longtemps.



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