Sofa avec un S comme superstar
Elément central et récurrent des séries TV cultes Friends et The Big Bang Theory, le canapé a tendance à le devenir aussi dans les habitats européens, la fusion des cuisines et séjours lui ayant donné une nouvelle jeunesse.
Afin de vouloir, jouer sur les mots à tout prix, on n’ira pas jusqu’à annoncer que le sofa va tenir salon la semaine prochaine au Parc des expositions de Cologne. Tirant son sens originel des salons littéraires créés au XVIIe siècle en France, l’expression s’emploie aujourd’hui dans un sens péjoratif, signifiant parler de tout et de rien, c’est-à-dire de sujets artificiels. Et pourtant, l’effet de langue étant tentant, à la lecture du sujet mis en avant par imm Cologne, titré « Le canapé est au cœur de nombreux foyers : une déclaration d'amour. »
D’amour et de raison : l’article commence par le constat que « le point chaud social de la maison privée s’est déplacé de la cuisine vers le salon, puis de nouveau vers la cuisine-séjour. Le canapé, jadis un meuble de prestige rarement utilisé, est doté de nouvelles fonctions pour atteindre de nouveaux sommets. »
Et de rappeler que ce siège est non seulement adoré par les personnages de la série culte The Big Bang Theory, mais aussi souvent utilisé par les producteurs (CBS Television Network) comme point de départ pour les intrigues délirantes. Notons que cette série de la fin des années 2000 n’est pas la première à avoir placé le canapé au centre des plateaux de tournage, et donc des écrans. Une dizaine d’années plus tôt, il était déjà la plaque tournante des communications des protagonistes de la série Friends, elle aussi culte. De la fiction à la réalité, il n’y a qu’un pas, vite franchi en rappelant nombre de sitcom sont des reflets de notre société, comme le souligne l’article de l’imm. « Quand la télévision est arrivée, le canapé a pris un nouveau rôle. Réservé à la dégustation de thé dans les années cinquante et soixante ou aux visites de la famille et des amis proches, toujours flanqué d’une table basse, il s’est orienté vers les événements à l’écran, flanqué de fauteuils mobiles. L’émergence des consoles de jeux a donné une importance supplémentaire au canapé, surtout aux yeux des jeunes; dans les années 1980, le PC de bureau n’était pas encore installé dans les chambres des enfants. Au moment où l’équipement vidéo de la maison et les systèmes de sonorisation correspondants sont arrivés, le canapé était devenu un centre multimédia. La tendance cocooning a transformé le salon en une capsule confortable pour de longues nuits avec une vidéo en couple ou même seul. Le canapé anciennement délicat est finalement devenu un grand canapé-lit spacieux. » Ce qui a eu des effets bénéfiques pour le sommeil de monsieur après une scène de ménage (une sorte de promotion canapé à l’envers).
La possibilité d’une île
Tout au long de ce processus, la conception de canapés a été adaptée aux exigences de leurs utilisateurs, comme aux évolutions sociétales dans l’habitat, passant d’une assise sévère et droite pour conversations sérieuses ou discussions raffinées, à un lieu de sieste improvisée, voire d’étalage de langueur adolescente, favorisant la généralisation du verbe pronominal « se vautrer » dans les objurgations des foyers français. Décliné en versions d’angle extensibles ou non, puis XXL avec de généreuses profondeurs d’assise invitant à y perdre son temps et ses sens, le canapé est entré dans la modernité des styles en se faisant affaire de spécialistes dans sa production comme dans sa distribution. Il affirme aussi aujourd’hui sa vocation à être multifonctionnel en intégrant étagères ou table basse tout en occupant un volume réduit convenant aux appartements urbains. « L’ergonomie est une priorité absolue - le canapé doit être confortable et facile à utiliser pour différentes applications. » À l’ère du wi-fi et de la maison intelligente, le canapé devient connecté et « une option pour les fugitifs de bureau, car c’est souvent un bon endroit pour travailler sur un ordinateur portable ou une tablette. »
Et les organisateurs de l’imm Cologne de conclure, non sans une certaine emphase poétique invitant à partir la semaine prochaine à la découverte de l’édition 2018 : « le canapé devrait ainsi pouvoir se libérer des définitions physiques et devenir une île dans le salon. »
Jérôme Alberola
Visuels : Haut d’article : Embrace de Brühl ; milieu : Tama Living de Walter Knoll
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