Une authentique ambition de la réflexion sur l'habitat

Actualités - 04 janv. 2022

De 2003 à 2020, Stéphane Thebaut a animé le magazine Question Maison sur France 5, devenu La Maison France 5 en 2010 et consacré à la décoration et à l’aménagement intérieur. Depuis avril 2021, il est aux commandes du magazine M comme Maison sur C8. Cette longévité et son approche sérieuse du sujet font de lui un pionnier et un expert médiatique renommé en matière de tendances de l’habitat domestique. Il est aussi un homme charmant et accessible qui nous a livré ses réflexions sur le traitement audiovisuel de l’aménagement intérieur et sur l’évolution de l’offre et des aspirations consuméristes. 

Archi-Cultures : Si on peut se réjouir de la multiplication des émissions TV consacrées à leur habitat sujet apprécié des Français, au cours des deux décennies écoulées, on peut aussi se demander si, à trop faire l’objet d’une vulgarisation, ce thème n’est pas devenu une sorte de tarte à la crème des grilles de programmes, avec pour effet pervers de minorer les compétences réelles des professionnels que sont les architectes d’intérieur, décorateurs et agenceurs de l’habitat. De fait, quel est votre avis sur l’évolution de ce traitement audiovisuel de l’habitat ? 

Stéphane Thebaut : C’est une excellente question et elle me permet de revenir à la genèse de l’émission Question Maison. Celle-ci a été motivée par le principe selon lequel l’habitat allait devenir une préoccupation majeure des Français, notamment pour une raison économique qui favorisait le développement de la vie sociale chez soi plutôt qu’à l’extérieur, et donc la volonté de soigner son intérieur et de le rendre convivial. Par la suite, la multiplication des émissions dédiées à l’habitat ne s’est jamais réalisée dans le sens de la nôtre et qui consistait à donner la parole aux professionnels, qu’ils soient architectes du bâti ou d’intérieur, artisans et décorateurs, soit tous ces hommes et femmes qui font de nos maisons ce qu’elles sont aujourd’hui. J’ai toujours préféré tirer la réflexion des gens vers le haut, et non pas me contenter de leur dire que nous allons tous vivre dans une maison ou un appartement où il y aura un mur taupe, un mur framboise, un panneau de sens interdit en guise de table basse, etc., comme cela a été le cas dans d’autres émissions. Cette démarche s’est inscrite dans le home-staging qui a effectivement été un courant influent pendant un certain temps, mais qui est selon moi un cache-misère ou un jeu de dupe.

Archi-Cultures : C’est-à-dire ?

Stéphane Thebaut : Le home-staging laisse croire qu’en procédant à quelques rénovations superficielles, à coups de peinture, de poses de lambris et de nouvelles dispositions du mobilier existant, on apportera une réelle plus-value à sa maison que l’on pourra ainsi vendre à un prix plus élevé. Ce qu’on oublie volontairement de dire, c’est qu’il s’agit là uniquement de mesures cosmétiques qui ne règlent pas les véritables points faibles et inconvénients, tels que la vétusté et l’humidité, par exemple. C’est pourquoi mais j’ai préféré montrer dans mes émissions des habitats bien réalisés pour que l’on puisse y vivre longtemps et sereinement, en donnant la parole aux véritables professionnels qui savent identifier et expliquer les problématiques. Je pense qu’il faut être modeste dans notre démarche médiatique et ne pas prétendre éveiller les consciences, mais plutôt stimuler le bon sens des téléspectateurs. Si vous devez vous faire opérer, vous vous adresserez à un professionnel de santé, et non pas à un boulanger ou un garagiste. Il n’y a pas de raison de ne pas appliquer le même principe pour l’amélioration de votre lieu de vie : un architecte d’intérieur a été formé pour optimiser le moindre centimètre carré de votre habitat. Or, si vous entreprenez les travaux, même si vous êtes bon bricoleur, vous serez insatisfait un ou deux ans plus tard, et vous réaliserez une 2ème puis une 3ème tranche, sans que le résultat en devienne abouti ; soit au final une perte de temps et d’argent. C’est ce principe qui a guidé notre démarche pour composer le magazine TV parlant le plus largement de l’habitat, en intégrant ses dimensions techniques, esthétiques, fonctionnelles et patrimoniales. Nous avons ainsi privilégié l’information quand d’autres émissions s’orientaient vers le spectacle et le divertissement, quitte à montrer des choses peu réalistes. Certains nous ont reproché de ne montrer que des belles maisons : c’est un choix assumé, car il vaut mieux faire rêver, comme le font les émissions de voyage ou culinaires,  et, là encore, tirer vers le haut, de manière authentique. De plus, la façon sincère et passionnée avec laquelle les gens s’investissent dans leur habitat a toujours orienté nos choix de reportages, et non pas la valeur de leur bien immobilier.

Archi-Cultures : Quelles ont été selon vous les évolutions les plus remarquables dans l’aménagement intérieur et la décoration de l’habitat des Français, au cours des dix dernières années ?  

Stéphane Thebaut : Même si cela a débuté bien avant, la décoration et l’aménagement de l’habitat ont été largement démocratisés. Auparavant, nos parents achetaient une commode en merisier et la gardaient pendant 30 ans dans leur chambre à coucher ; idem pour l’armoire en bois massif dans le salon. Aujourd’hui, on se lasse des meubles trois ans après leur achat et on les change de pièce, on les customise en les repeignant ou bien on s’en débarrasse en déchetterie. De fait, la notion de temps attaché au mobilier a radicalement changé et désormais on consomme véritablement de la décoration et de l’aménagement intérieur. Des enseignes comme Ikea, Maisons du monde, Habitat, But, etc. ont accompagné ce mouvement sociétal en le renforçant et en le légitimant au travers de leur offre.

Une autre évolution remarquable dans la façon de penser l’habitat concerne l’importance accrue jusqu’à devenir déterminante de la notion d’espace. Il y a quelques années, au moment de lancer son fameux monospace, Renault avait utilisé cet excellent slogan : “ Et si le luxe, c’était l’espace ?” En matière d’habitat, ce luxe n’est pas d’avoir des mètres carrés supplémentaires, mais d’utiliser au mieux ceux dont on dispose, notamment par le recours à du mobilier modulable et par l’organisation d’une circulation plus aisée dans sa maison. L’offre et la distribution de mobilier n’ont jamais été aussi plurielles sur le marché français et c’est pourquoi elles répondent à ces évolutions, comme aux divers besoins et budgets des consommateurs. Je ne crains pas que cela génère une confusion dans leur esprit, car il faut faire confiance à leur intelligence. »

Propos recueillis par Jérôme Alberola

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Crédit photos :

En haut à droite : HL Production

Ci-dessus : C8/Cyrille George Jerusalmi

Une belle longévité médiatique dans l’habitat

De 2003 à 2020, Stéphane Thebaut a animé le magazine Question Maison sur France 5, devenu La Maison France 5 en 2010 et consacré à la décoration et à l’aménagement intérieur. Aux commandes du magazine M comme Maison sur C8 depuis avril 2021, il est aujourd’hui le journaliste audiovisuel le plus renommé pour son approche sérieuse de l’habitat domestique. 

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