Fondée en 1970, la Lustrerie Mathieu a restauré les lustres, excusez du peu, de l’Assemblée Nationale, de la Comédie Française, de l’Opéra Garnier, de la Galerie des Glaces du Château de Versailles, et des hôtels les plus prestigieux. Sa collection exceptionnelle est mise en scène dans un musée dédié, jouxtant ses ateliers de Gargas dans le Vaucluse. Guidés par Régis Mathieu, maitre des lieux et des lumières, nous avons pu y admirer un panorama de cinq siècles d’art décoratif à travers une collection de plus de 200 luminaires.
Alors que les lustres, détrônés par les halogènes, semblaient voués à disparaître, Henri Mathieu crée dans les années 1970 une collection de luminaires en lames d’aluminium brossé qu’il traite déjà comme des sculptures lumineuses. Après sa disparition prématurée en 1982, les ateliers sont dirigés par son épouse Yvette, puis repris en 1992 par leur fils, Régis Mathieu. Passionné par les « belles choses » depuis l’enfance, celui-ci comprend que l’avenir des lustres est lié à leur histoire et part à la conquête des Etats-Unis et du Moyen-Orient, où il vend le style français à une clientèle prestigieuse. Toujours à la recherche de l’excellence, il noue très tôt des relations privilégiées avec les propriétaires et les gestionnaires de monuments historiques et développe pour eux un savoir-faire unique, élaboré en étroite collaboration avec les architectes du patrimoine.
Reconnue dans le monde entier comme « l’artisan spécialiste incontesté de la restauration et de la reproduction de lustres historiques », Mathieu Lustrerie intervient pour l’Assemblée Nationale, puis restaure les lustres de la Comédie Française, de l’Opéra Garnier, de la Galerie des Glaces du Château de Versailles, de l’Opéra de Monte-Carlo, de l’Opéra de Philadelphie et de très nombreux châteaux publics et privés sur les plus grands chantiers en Europe, aux États-Unis et en Inde, où il devient le consultant privilégié des maharadjas.
Toujours en quête d’excellence, il met également au point des techniques pour faciliter l’emballage, le stockage et le transport des lustres et invente dès 2011 une ampoule Led révolutionnaire, Evolution One, qui restitue à la perfection le halo et la couleur d’une vraie flamme.
En 2002, l’entreprise s’installe dans une ancienne usine d’ocre à Gargas, près d’Apt dans le Vaucluse, à quelques encablures de la maison de famille. Plusieurs centaines de luminaires y sont restaurés ou créés chaque année par des artisans d’art qui ne cessent de perfectionner leurs techniques pour parvenir à un niveau irréprochable.
En près de vingt-cinq ans, les Ateliers Mathieu Lustrerie se sont ainsi fait connaître dans le monde entier pour la qualité de leurs restaurations et rééditions de lustres anciens. En intégrant les fournisseurs de matières premières (bronze et cristaux), ainsi que les revendeurs aux Etats-Unis, en Chine et en Russie, l’entreprise a fait le choix d’une croissance verticale afin de pouvoir répondre à toutes les exigences sur l’ensemble de la chaine de fabrication. Elle réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 10 M€ et emploie environ cent personnes réparties à Gargas, New York et en Inde. Régis Mathieu continue avec une passion et un enthousiasme intacts de superviser la reproduction ou la restauration de plusieurs centaines de luminaires par an, tout en développant des techniques exclusives leur valant une notoriété exceptionnelle. Nous l’avons rencontré à l’endroit auquel il est le plus attaché, voire enraciné et où il aime trouvé l’inspiration : le site de production et rénovation de Gargas qu’il compte ouvrir au public pour susciter les vocations diverses.
Archi-Cultures : Les hôtels et restaurants de luxe constituent-ils une part importante de votre activité de restauration et création ?
Régis Mathieu : « Les hôtels haut de gamme et de luxe font bien sûr partie de nos clients réguliers. Notre intervention y est même naturelle, car elle permet à ces établissements, au travers de la beauté de nos luminaires et l’ambiance qu’ils instaurent, de sublimer les moments uniques que doivent être la découverte des lieux puis le séjour de leurs clients dans leur chambre ou suite, comme dans les lobbies. Nous travaillons ainsi avec des décorateurs et architectes d'intérieur, en mettant la touche finale à leur travail. Nous avons été récemment le fournisseur exclusif de tous les luminaires de l’hôtel 5 étoiles Le grand contrôle du groupe Les Airelles, situé dans le château de Versailles. Notre cahier des charges a consisté à créer des luminaires qui permettent aux résidents de cet établissement exceptionnel d’avoir le sentiment réel d'être reçus dans un lieu d’apparat et de pouvoir, tel que le ressentaient les personnes qui découvraient le château de Versailles au 18ème siècle. Pour produire un tél effet, les lustres ne suffisent pas. C’est pourquoi nous avons dû recréer des appliques à miroir, des lampes cierges et des lampes à huile pour rendre réaliste cette ambiance du passé. Dans un autre registre, nous avons travaillé récemment avec le Crillon, fameux palace de la place de la concorde à Paris.
Archi-Cultures : Quels a été le grand chantier emblématique de votre savoir-faire en 2021 ?
Régis Mathieu : Cela a été incontestablement le chantier de restauration de l'hôtel de la Marine également situé place de la Concorde (cf. notre article du 19 octobre Une visite exclusive dans l'un des plus beaux hôtels) qui a été un immense moment de plaisir en raison de la qualité des équipes participantes et du caractère extraordinaire de ce lieu historique. Nous avons pu y exprimer tous nos savoir-faire. Par exemple, pour la grande loggia, nous avons fabriqué des lanternes de style Louis XVI en restituant finalement des modèles de cette époque, et nous avons restauré les lustres du 19ème siècle comme nous l'avions déjà fait il y a quinze ans, mais cette fois, en transformant toutes les ampoules en led. Enfin, à la demande du directeur du Centre des monuments nationaux qui désirait que la cour d'honneur soit éclairée par une œuvre contemporaine, j'ai créé un rectangle en quartz (cristal de roche) reprenant la proportion d'une lanterne du 18ème siècle.
Archi-Cultures : Quelles sont vos perspectives et ambitions de développement ?
Régis Mathieu : Parmi les axes de développement que nous avons définis, il y a l'engagement à être utile aux lustres et aux monuments nationaux français. C'est pourquoi nous avons notamment travaillé cette année en mécénat pour la restauration du musée Carnavalet, pour celle des objets du 18ème siècle au Louvre (et nous avons commencé pour ceux du 19ème siècle), ou encore pour la préservation des salons chinois du château de Fontainebleau.
La transmission sera aussi l'une des valeurs clés de notre entreprise en 2022, avec pour vocation de développer la recherche utile sur l'histoire des lustres et d'en faire bénéficier le grand public. Outre le musée jouxtant nos ateliers (photo ci-dessus), nous allons initier un cycle de conférences ainsi qu’une exposition itinérante en France et à l'étranger. Parallèlement, afin de partager la passion pour notre métier artisanal et pour les lustres en tant qu’objets de décoration fonctionnelle, nous allons doubler la superficie de nos ateliers jusqu’à 5000 m2 et créer un grand parc qui sera ouvert à la visite, jour et nuit. Le public pourra aussi découvrir les usines d’ocre du 19e siècle où nous sommes installés et qui ont gardé leurs anciens outils de production. De fait, si la lustrerie Mathieu est fière de développer son savoir-faire dans le monde entier, elle l’est tout autant de son ancrage sur son territoire de Provence. »
Propos recueillis par Jérôme Alberola
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